Sur cette ancienne vue de Bohan, on voit un chapiteau en dessous du pont. Je me demandais ce que c'était. Grâce au groupe facebook "HistoireS de Semois", j'ai appris que c'était un théâtre qui jouait la pièce ' La Porteuse de Pain' à la pentecôte 1910.

Paul Manil, né à Bagimont le 10/8/1890, y a rencontré pour la première fois sa future femme, une Bohannaise. Il le raconte dans ses mémoires, en 2 tomes "la vie et les mémoires d'un paysan ardennais". Grâce à la nouvelle bibliothèque de Vresse, j'ai lu ces deux volumes.

Paul Manil et son épouse Hubertine Poncelet

Né à Bagimont dans une famille très pauvre, il raconte son enfance où il est très turbulent. Dès 11 ans il est cloutier à Rogissart, puis il a une vie très mouvementée, apprenant la mécanique auto chez son oncle à Anvers, revenant en Ardenne, il est très entreprenant et actif dans plusieurs domaines : successivement cloutier, cultivateur de tabac, chasseur, garde-chasse, chauffeur auto et responsable de la malle poste Sugny-Graide et Bohan-Membre, assureur, premier échevin de Bohan, il est pensionné en 1955 et écrit ses mémoires sur des cahiers d'écolier. Ses écrits sont dactylographiés par une touriste néerlandophone et publiés en 2 livres de 320 pages en petits caractères, édités à compte d'auteur.

Ces livres sont écrits dans un style brut, avec beaucoup de redondance, beaucoup de fautes d'orthographe et de fautes de frappe. Il raconte plein de petites anecdotes en commençant par dire la date où il écrit (entre 1955 et 1957) et annonçant à chaque fois "voici encore une petite histoire ..."

Le premier volume raconte son enfance très pauvre, la rencontre avec sa femme, sa déportation pendant la 1ère guerre mondiale et ses métiers successifs jusqu'en 1936.

Le deuxième volume couvre la période de 1936, année où sa femme est tombée malade (jalousie et neurasthénie) à sa pension. Il décrit longuement la jalousie de sa femme ainsi que l'apparition de la Vierge où il a demandé la guérison de sa femme, qui a eu lieu le 24/11/1950. Il En remerciement à la Vierge, il construit seul, pendant 2 ans, la grotte ND de Lourdes à Tiru, qui existe toujours.

Malgré le style assez lourd et les passages en wallon, le livre est très intéressant pour comprendre le mode de vie de l'époque. Il décrit bien la dureté de la vie, les fêtes des villages, l'esprit de village et les querelles entre voisins, les contrebandiers, les douaniers et le braconnage. Même sans instruction, Paul Manil ne se laisse pas faire et gagne bien sa vie avec la location de voitures avec chauffeur. Il a de nombreux procès en justice.

Ce qui m'a frappé c'est qu'à l'époque on faisait tous les trajets à pied, et il n'est pas rare de faire 40 ou 50 km A/R en un jour à pied pour aller à Charleville, Bouillon ou Graide (pour prendre le train). Ayant habité Bagimont, Bohan, Bagimont et enfin Bohan, il raconte beaucoup de faits et coutumes sur ces 2 villages. On y apprend qu'à partir de 1922 est installée la distribution d'eau à Bohan et en 1926 l'électrification du village, mais cela ne se passa pas sans problème.

Bref, ces livres ne sont pas faciles à lire mais riches en informations sur Bohan et la vie des Bohannais de la première moitié du XXe siècle.